Le RIUESS réseau rassemblant des enseignants chercheurs étudiants l’économie sociale et solidaire viennent de faire paraître sur leur site une tribune pour participer au débat et faire des propositions pour sortir des crises économiques et écologiques.
Le contenu de la tribune :
« Nous enseignantes-chercheuses et enseignants-chercheurs en économie sociale et solidaire (ESS), rassemblé.e.s au sein du RIUESS sur les bases de son manifeste, nous nous engageons pour une sortie de crise écologique, solidaire et démocratique.
La crise que nous vivons depuis deux mois n’est pas la première crise que le capitalisme néolibéral provoque depuis le début du XXIe siècle. Il y a eu la crise financière des subprimes en 2008 ; les crises climatiques qui, avec leurs incendies, sécheresses, inondations et autres catastrophes, sont au rendez-vous chaque année ; les crises démocratiques avec l’arrivée au pouvoir de populistes irresponsables ou la multiplication des répressions d’Etat ; les crises sociales des inégalités et de leurs invisibles avec en France le mouvement des « gilets jaunes »… etc. La présente crise englobe, sans doute du fait de son entrée microbienne, toutes ces facettes à travers les interdépendances dont nos mondes complexes sont constitués.
La manière de sortir de cette crise, telle qu’elle s’annonce dans les prochains mois, c’est-à-dire en redémarrant comme avant, a toutes les chances de nous amener à en vivre de plus grandes, aux effets encore plus dévastateurs. Comme la sortie de la guerre de 14-18 nous disent les historiens a amené la crise de 29, l’arrivée du nazisme et, finalement, la seconde guerre mondiale. Il existe toutefois une autre manière d’en sortir : renverser le capitalisme pour ouvrir l’horizon de nouveaux jours heureux. On doit ici se souvenir de la démission de Nicolas Hulot qui a voulu nous alerter sur la nécessité de changer de modèle économique pour réussir la transition écologique et solidaire. Avec cette crise, une occasion nous est donnée. En tant qu’enseignantes-chercheuses et enseignants-chercheurs en économie sociale et solidaire, nous pensons avoir une responsabilité particulière : celle de nous engager dans ce moment si particulier pour réussir ici et maintenant cette bifurcation.
Nous engager, c’est d’abord être sur le terrain en soutien de tous les collectifs de citoyen.ne.s, de militant.e.s, de bénévoles, de coopératrices ou coopérateurs, de salarié.e.s syndiqué.e.s ou pas, de sociétaires… qui par leur entraide, leur solidarité, leur engagement, leur coopération, leur lutte, apportent des réponses sociales et écologiques concrètes aux difficultés que nous rencontrons. Ils sont en acte l’économie sociale et solidaire.
C’est aussi, être avec les étudiant.e.s de nos formations, de licence pro et de master, qui à la rentrée ne pourront toujours pas, c’est l’hypothèse la plus probable, fonctionner en présentiel. Inventons donc un enseignement à distance qui commence par la participation aux actions collectives et réinvente ainsi l’éducation populaire. Il y a tant à faire en commun sur les territoires pour sortir de manière écologique et solidaire de cette crise dans tant de domaines touchés et que l’économie sociale et solidaire connaît bien : la santé, le social et médico-social, la petite enfance, l’éducation et le périscolaire, la culture, le sport, les circuits-courts alimentaires, les énergies renouvelables, la mobilité douce et partagée, la finance solidaire, les monnaies locales, le logement collectif, le tourisme responsable.
Nous engager en prenant aussi le temps de la discussion : selon les domaines, selon les histoires, selon les territoires, nous avons des thématiques de recherche variées sur l’ESS (communs, coopération, économie plurielle ou solidaire, politiques publiques, délibération, monnaies, finances alternatives, indicateurs de richesse et de bien-être, solidarités internationales, développement soutenable, décroissance, éco-féminisme…), et des champs disciplinaires diversifiés (sciences économiques, sociologie, gestion et management, sciences politiques, droit, communication, géographie, histoire…) qui nécessitent des confrontations afin de pouvoir nous unir dans l’action : non pour effacer nos spécificités mais pour en accepter la diversité pour autant que celle-ci reconnaisse des grandes balises : des territoires ouverts, des territoires autogérés, des territoires écologiques pour une émancipation de toutes et tous qui refuse toute domination. Le défi est ici de sortir aussi bien des spécialisations de la recherche que des cloisonnements des actions en silos en concevant nos actions collectives sur les territoires comme une nouvelle manière de faire de la politique, en apportant des réponses aux besoins, aux difficultés, aux problèmes de toutes et tous.
Nous engager en osant de nouvelles alliances. Dans les collectifs auprès desquels nous appelons à nous tenir avec nos étudiant.e.s, nous avons mentionné les collectifs de salarié.e.s syndiqué.e.s ou pas. Ceux qui, par exemple, souhaitent, comme chez les Luxfer qui produisent des bouteilles d’oxygène, maintenir une activité que le capital souhaite délocaliser. Ce type d’alliance avec les salarié.e.s en lutte ne fera d’ailleurs que retrouver le périmètre de l’économie sociale du début du XXe siècle lorsqu’elle portait l’ambition d’être une alternative au capitalisme et au libéralisme. Selon les situations, sont aussi envisageables des alliances avec les entreprises lorsqu’elles satisfont les balises posées pour faire en commun sur nos territoires.
Nous engager en rendant possible la co-construction de la politique des territoires avec les collectivités territoriales, les acteurs de l’ESS et la société civile. La sortie de crise des prochains mois nous offre un calendrier favorable : le second tour des Municipales (et peut-être même un nouveau premier tour) et les élections Départementales et Régionales au printemps 2021. Parlons avec les candidates et candidats sur la base des objectifs déclinés par nos différentes organisations réunies (associations, coopératives, mutuelles, collectifs syndicaux, ONG environnementales…) de cantine scolaire, de l’école et du périscolaire, des maisons de retraite, des services à domicile, des crèches, du sport, de la culture, de l’eau, de l’énergie, du logement, des transports… afin d’en délibérer.
Nous engager, enfin, dans l’ouverture et la coopération des territoires aux différentes échelles nationale, européenne et mondiale pour que le local ne soit pas un bocal aux identités fermées. Ces ouvertures sont déjà à l’œuvre de multiples façons : par le biais d’infrastructures techniques, par le biais de liens démocratiques et interculturels, par des questions qui sont partagées à toutes les échelles comme celle du réchauffement climatique ou de la solidarité internationale. Contre la mondialisation financière globalisée d’un côté, le repli identitaire de l’autre, nous devons construire un monde ouvert qui fait de chaque territoire un lieu métisse où chacune, chacun à la possibilité de participer à l’intelligence collective.
Les XXe rencontres du Réseau Interuniversitaire de l’économie sociale et solidaire devaient avoir lieu à Clermont-Ferrand ce mois de mai 2020. Elles sont reportées au mois de mai 2021. Nous vous donnons rendez-vous dans un an pour voir comment toutes et tous ensemble nous avons pu, su, avec quelles difficultés, quels succès, peser pour une sortie de crise écologique et solidaire. La recherche d’une nouvelle voie est aussi l’affaire du monde de la recherche. »
Les Membres du CAG du RIUESS
Michel Abhervé (Université Paris Est-Marne la Vallée)
Elisabetta Bucolo (CNAM)
Gilles Caire (Université de Poitiers)
Odile Castel (Université de Rennes 1)
Melaine Cervera (Université de Lorraine)
Josette Combes (RIPESS)
Monique Combes (Université de Reims)
Eric Dacheux (Université de Clermont-Ferrand)
Hervé Defalvard (Université Paris Est-Marne la Vallée)
Laurent Gardin (Université Polytechnique Hauts-de-France)
Patrick Gianfaldoni (Université d’Avignon)
Pascal Glémain (Université de Rennes 2)
Christopher Lecat (Université de Reims)
Laetitia Lethielleux (Université de Reims)
Vincent Lhuillier (Université de Lorraine)
Carmen Parra (Universitat Abat Oliba CEU)
Yannig Robin (Université de Bretagne Occidentale)
Aurore Sivignon (Université de Reims)
Josiane Stoessel (Université de Haute-Alsace)